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Cette ligne directrice traite des requêtes d'expulsion en vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d'habitation (la « LLUH ») liées à un acte ou une entreprise illicites. Le paragraphe 61 (1) de la LLUH stipule ce qui suit :
61 (1) Le locateur peut donner un avis de résiliation de la location au locataire si celui-ci ou un autre occupant du logement locatif accomplit ou permet que soit accompli un acte illicite ou exerce ou permet que soit exercé un métier, une profession, une entreprise ou un commerce illicites dans le logement locatif ou l'ensemble d'habitation
La LLUH ne définit pas ce qui constitue un « acte illicite », mais ce dernier vise une contravention grave à une loi fédérale, provinciale ou municipale. Lorsque le caractère illicite de l'acte, de l'entreprise, du commerce, du métier ou de la profession est de nature insignifiante ou technique, ceux-ci pourraient ne pas être suffisamment graves pour mériter une expulsion.
Un acte illicite est grave s'il peut changer la nature des lieux ou s'il trouble la jouissance raisonnable des lieux par le locateur ou les autres locataires1. La gravité du motif se traduit par le fait qu'en vertu de l'article 61, le locataire ne pourra, même en remédiant à l'acte illicite, éviter la résiliation de la location.
Le fait qu'un locataire ou un autre occupant du même logement puisse avoir organisé une fraude dans le logement, émis un chèque sans provision ou omis de produire une déclaration de revenus ne constitue pas nécessairement une menace pour les autres locataires de l'immeuble ou un problème pour le locateur. Par contre, les infractions en matière de drogue peuvent comporter des effets nocifs sur la santé des autres occupants de l'ensemble d'habitation.
Une infraction à la LLUH ne constitue pas, en soi, un acte illicite aux termes de l'article 61 de la LLUH. S'il y a une mesure de redressement de l'acte ailleurs dans la LLUH, il ne serait pas approprié d'expulser le locataire pour un acte illicite. Ainsi, tout défaut de paiement de loyer ne serait pas considéré comme un acte illicite aux termes de l'article 61. La sous-location ou la cession de l'unité locative sans l'accord du locateur ne constituerait pas nécessairement un acte illicite qui justifie l'expulsion2.
Cependant, il s'est produit une instance où la Cour divisionnaire a considéré que lorsque le locataire inscrivait son logement locatif auprès d'un agent immobilier et sous-louait à plusieurs reprises le logement à des occupants à court terme pour un loyer qui dépassait considérablement le loyer légal et ce, sans le consentement du locateur, ce modèle de comportement constituait une entreprise illicite3. Une telle conduite est contraire à l'article 134 de la LLUH et constitue une infraction aux termes du paragraphe 234 (l) de la LLUH; toutefois, ces articles ne stipulent pas de mesure de redressement à accorder au locateur.
Un locataire pourra être expulsé en vertu de l'article 61 lorsque le locataire ou un autre occupant « permet » à une personne d'accomplir un acte illicite dans le logement locatif ou dans l'ensemble d'habitation. Il ne suffit pas de prouver que le locataire ou un autre occupant a permis à la personne qui a commis l'acte illicite d'être dans le logement locatif ou l'ensemble d'habitation.
Lorsque le locataire ou un autre occupant était au courant de l'acte illicite, on pourra arriver à la conclusion qu'il a permis que soit accompli cet acte. Ainsi, il pourrait y avoir un motif suffisant pour que le membre constate que le locataire ou un autre occupant était au courant de l'acte illicite ou encore a délibérément fermé les yeux sur l'acte illicite et a donc permis qu'il soit commis4.
Le paragraphe 61 (1) prévoit que l'acte illicite doit avoir eu lieu dans le logement locatif ou dans l'ensemble d'habitation. L'article 2 de la LLUH établit que « l'ensemble d'habitation » comprend toutes les aires communes, et les services et installations destinés à l'usage des résidents. Sont donc comprises ici des aires comme la buanderie, le stationnement et les installations récréatives.
Le fait qu'un locataire ou un autre occupant ait été accusé d'avoir commis un vol chez le dépanneur situé en face de l'ensemble d'habituation ne constitue pas un motif d'expulsion pour le locateur. Par contre, le fait de commettre un vol dans d'autres logements de l'ensemble d'habitation serait un motif suffisant5.
Le paragraphe 61 (2) établit les délais d'avis pour les différents types d'actes illicites.
L'alinéa 61 (2) b) autorise un locateur à donner un avis de résiliation 20 jours après la remise de celui-ci lorsqu'un locataire ou un autre occupant accomplit un acte illicite ou exerce un métier, une profession, une entreprise ou un commerce illicites dans le logement locatif ou l'ensemble d'habitation, ou lorsque le locataire ou un autre occupant permet que soit accompli un acte illicite ou permet que soit exercée une activité illicite dans le logement ou l'ensemble d'habitation.
L'alinéa 61 (2) a) stipule un délai d'avis plus court de 10 jours lorsque l'activité illégale implique la production d'une drogue illicite, le trafic d'une drogue illicite ou la possession d'une drogue illicite en vue d'en faire le trafic. De plus, une requête en résiliation de la location fondée sur ces critères sera examinée plus rapidement que tout autre type de requête, et le délai d'audience sera plus court, compte tenu des répercussions potentiellement graves de ce type d'activité sur le locateur et les autres locataires.
Un locateur peut déposer une requête d'expulsion pour acte illicite immédiatement après avoir donné l'avis de résiliation, et pas plus tard que dans les 30 jours suivant la date de résiliation figurant dans l'avis.
Lorsque le locateur a donné un avis de résiliation pour cause de dommages en vertu de l'article 62, pour avoir entravé la jouissance raisonnable en vertu de l'article 64 ou encore pour cause de surpeuplement en vertu de l'article 67, et que l'avis a été rendu nul en raison de conformité du locataire, le locateur peut donner un délai d'avis de résiliation de 14 jours au lieu de 20 jours lorsque le locataire commet un acte illicite dans les six mois qui suivent la date du premier avis. Cette condition ne s'applique pas lorsque le deuxième avis concerne l'une des trois activités liés à des drogues illicites mentionnées à l'alinéa 61 (2) a), puisque la date de résiliation dans ce cas survient un minimum de 10 jours après la remise de l'avis
Les infractions en matière de drogue mentionnées au paragraphe 61 (2) comprennent :
Le paragraphe 61 (3) de la LLUH donne les définitions suivantes :
« drogue illicite » Substance désignée ou précurseur au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (Canada).
« possession » S'entend au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (Canada).
« production » Relativement à une drogue illicite, s'entend au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (Canada).
« trafic » Relativement à une drogue illicite, s'entend au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (Canada).
Le paragraphe 61 (3) de la LLUH stipule qu'une drogue illicite signifie une substance désignée ou précurseur au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS). Dans la LRCDAS, on entend par « substance désignée » toute substance inscrite à l'une ou l'autre des annexes I, II, III, IV ou V de la LRCDAS (p. ex. le cannabis ou l'opium), et par « précurseur », toute substance inscrite à l'annexe VI de la LRCDAS (p. ex. l'éphédrine).
Le paragraphe 61 (3) de la LLUH stipule que la possession s'entend au sens de la LRCDAS. Dans la LRCDAS, « possession » s'entend au sens du paragraphe 4 (3) du Code criminel. Le paragraphe 4 (3) du Code criminel stipule ce qui suit :
Il convient de prendre note que la simple possession d'une drogue illicite ne suffit pas à invoquer le paragraphe 61 (2) de la LLUH qui traite de la possession « en vue d'en faire le trafic ». Par conséquent, là où une simple possession de drogue illicite est invoquée, le locateur doit donner un délai d'avis de résiliation de 20 jours, conformément à l'alinéa 61 (2) b) plutôt qu'un délai d'avis de 10 jours, aux termes de l'alinéa 61 (2) a).
Le paragraphe 61 (3) de la LLUH stipule que la production, relativement à une drogue illicite, s'entend de la production d'une drogue au sens de la LRCDAS. Dans la LRCDAS, on entend par « production », relativement à une substance inscrite à l'une ou l'autre des annexes I à IV, le fait de l'obtenir par quelque méthode que ce soit, et notamment par :
Le paragraphe 61 (3) de la LLUH stipule que le trafic, relativement à une drogue illicite, s'entend du trafic d'une drogue au sens de la LRCDAS. Dans la LRCDAS, on entend par « trafic », relativement à une substance inscrite à l'une ou l'autre des annexes I à IV,
qui sort du cadre réglementaire de la LRCDAS.
L'expression « possession en vue du trafic » de l'alinéa 61 (2) iii) n'est pas définie dans la LLUH, ni dans la LRCDAS. Le paragraphe 5 (2) de la LRCDAS stipule simplement qu'« il est interdit d'avoir en sa possession, en vue d'en faire le trafic, toute substance inscrite aux annexes I, II, III ou IV ».
Dans certains cas, on pourra arriver à la conclusion qu'il y a possession en vue du trafic en raison des circonstances existantes. Ainsi, lorsque la police trouve une quantité importante de drogues illicites, de l'argent en espèces et des balances, le membre pourra établir que le locataire ou un autre occupant était en possession de drogues illicites en vue d'en faire le trafic.
Dans les instances de la Commission, le fardeau de la preuve repose sur la « prépondérance des probabilités », qui s'applique à toutes les instances civiles, plutôt que sur le principe de la preuve « hors de tout doute raisonnable », comme c'est le cas pour les instances criminelles6. Le fardeau de la preuve est le degré de preuve que doit présenter le requérant pour établir le bien-fondé de sa requête s'il veut obtenir gain de cause. Dans chaque cas, le membre examinera la preuve en profondeur pour déterminer si la prépondérance de la preuve confirme la prétendue conduite faisant l'objet de la requête.
On peut ordonner l'expulsion, même lorsque le locataire ou un autre occupant qui exerce l'acte, le commerce, l'entreprise, le métier ou la profession illicites n'a pas été inculpé d'une infraction liée à l'acte illicite7. Inversement, le fait qu'un locataire ou autre occupant a été inculpé d'une infraction ne constitue pas nécessairement une preuve qu'un acte illicite a été commis8.
De plus, l'article 75 de la LLUH stipule que la Commission peut expulser un locataire pour un acte illicite, que le locataire ou un autre occupant ait été ou non reconnu coupable d'une infraction liée à l'acte illicite. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que le membre suspende la procédure de la Commission jusqu'à ce que l'affaire ait été entendue par un tribunal compétent.
Le membre doit déterminer si la résiliation de la location constituerait une injustice, compte tenu de toutes les circonstances : il faut consulter à cet effet l'alinéa 83 (1) a) de la LLUH et la ligne directrice, intitulée Mesures d'allègement pour les cas d'expulsion. Cela signifie que la décision se fera en deux temps : premièrement, il faudra déterminer si le locataire a commis un acte illicite justifiant l'expulsion; deuxièmement, si, eu égard aux circonstances, l'expulsion doit être rejetée ou reportée.
En déterminant s'il convient de refuser ou de reporter une requête d'expulsion, le membre doit établir la gravité de l'acte illicite par rapport à d'autres facteurs, notamment : la durée de la location, la situation financière du locataire, s'il y a des enfants qui occupent le logement, s'il y a eu d'autres problèmes avec le locataire, et si le locataire risque de commettre de nouveau l'acte illicite9. Il pourrait y avoir d'autres facteurs à considérer.
De plus, au lieu de résilier la location, le membre pourrait assortir l'ordonnance de conditions, en vertu du paragraphe 204 (1) de la LLUH. Ainsi, lorsque le locataire a un animal dangereux dans le logement locatif, il pourrait lui être ordonné de s'en débarrasser. Si le locataire exerce un commerce ou une entreprise qui sont interdits par un règlement de zonage, le membre pourrait assortir l'ordonnance de la condition que le locataire cesse d'exercer cette activité dans le logement. Si un invité du locataire a commis un acte illicite, le membre pourrait envisager une mesure d'allègement assortie de la condition que le locataire ne permette plus l'accès de cette personne dans l'ensemble d'habitation. L'ordonnance pourrait stipuler que si locataire ne respecte pas une condition précisée dans l'ordonnance, le locateur pourra présenter une demande d'expulsion ex parte en vertu de l'article 78 de la LLUH.
1 Samuel Property Management Ltd. c. Nicholson (2002), 61 O.R. (3d) 470 (C.A.), paragraphe 28, mentionnant l'affaire Swansea Village Co-operative c. Balcerzak (1988), 63 O.R. (2d) 741 au 745 (Cour divisionnaire).
2 Valleyview Apartments Ltd. and Estate of Max Rothbart (1988), 65 O.R. (2d) 209 (Cour divisionnaire).
3 Sutton Place Grande Limited c. Hammer and Griffiths [2002] O.J. no 1792 (Cour divisionnaire).
4 Grant c. Metropolitan Toronto Housing Authority [2002] O.J. no 1162 (Cour divisionnaire).
5 Peel Non-Profit c. Hogarth (1990), 72 O.R. (2d) 702 (C.A.), confirmant (1989), 68 O.R. (2d) 617 (Cour divisionnaire).
6 F.H. c. McDougall [2008] 3 S.C.R. 41.
7 Samuel Property Management Ltd. c. Nicholson (2002), 61 O.R. (3d) 470 (Cour d'appel).
8 Greaves c. Toronto Community Housing Corporation (14 décembre 2004), Toronto, rôle d'audience no 411/03 (Cour divisionnaire).
9 Metropolitan Toronto Housing Authority c. Pennant (1991), 81 D.L.R. (4th) 404 (Cour de l'Ontario, Division générale).